Cette année, le 10 février 2024, le nouvel an chinois marque le passage dans l’année du Dragon de Bois. Cette célébration, depuis le début du XXème siècle, est associée en Chine à la fête du Printemps. Loin des standards occidentaux, celle-ci est avant tout en Chine une fête familiale. À cette occasion, on assiste ainsi à d’importants mouvements de population à travers le pays et au retour des expatriés. Les rituels qui accompagnent le nouvel an chinois cherchent à placer la nouvelle année sous de bons augures. Ainsi on nettoie intégralement la maison pour en chasser les mauvais esprits. On honore les ancêtres pour qu’ils veillent sur la famille. Les convives se retrouvent alors autour de mets traditionnels et échangent des présents. On offre notamment de l’argent porte-bonheur aux enfants. Enfin c’est le temps des défilés de dragons ou de lions qui, là encore, visent à repousser les démons.
Pourquoi, maintenant, un nouvel an chinois, une année de Dragon de Bois, la fête du printemps ?
La bascule en 2024 est pour beaucoup presque un lointain souvenir et déjà, sous peu, débuteront les “vacances d’hiver”. Les Chinois pour autant, eux, concomitamment, fêtent leur nouvel an, l’année du Dragon de Bois et le Printemps. Comment expliquer cette discordance temporelle ? La Chine est pourtant dans l’hémisphère Nord comme l’Europe. S’il y a certes un décalage de fuseau horaire, il n’y a pas de décalage de saison. La réponse à cette interrogation est en fait assez simple. C’est une histoire de calendriers. Le temps chinois ne se réfère pas au calendrier grégorien qui est notre norme occidentale, mais simultanément à plusieurs calendriers.
Nouvel an chinois et calendrier soli-lunaire
Le calendrier qui détermine la date du nouvel an chinois est très ancien. On rattache son origine au mythique Empereur Jaune (Huang Di) qui aurait vécu vers -2600 avant JC. Ce calendrier s’impose comme référence dans l’Empire à l’époque des Han en -104 av JC. C’est le calendrier Taichu, le calendrier du “Grand Commencement”. Ce calendrier est soli-lunaire, c’est là sa grande spécificité. Autrement dit, il se construit sur les cycles de la lune et du soleil…
Les spécificités du calendrier soli-lunaire
Dans ce calendrier, chaque début de mois accompagne une nouvelle lune. Le 15ème jour, lui, correspond à la pleine lune. Ainsi la durée des mois se cale sur les cycles de la lune, mais leur succession est dictée par le cycle du soleil. En principe une année compte 12 mois lunaires de 29 ou 30 jours. Or, comme une année solaire dure 365,2422 jours, le compte n’y est pas. Pour équilibrer cela sur la durée, les Chinois introduisent 11 mois supplémentaires sur une période de 19 ans. Ainsi, tous les 2 ou 3 ans, ils insèrent des années de 13 mois. Ce mois en plus va être considéré comme la répétition de celui qui l’a précédé et portera le même nom. Grâce à ce mois intercalaire récurrent, les équinoxes et les solstices se déroulent toujours dans les mêmes mois : les équinoxes au cours du 2ème et 8ème mois lunaires ; les solstices, lors des 5ème et 11ème mois lunaires. À travers cette description, on commence à entrevoir que dans le calendrier chinois se combinent de la permanence et de la mobilité.
Nouvel an chinois, nouvelle Lune, Yin et Yang.
Dans la Tradition Chinoise et la relation entre la lune et le soleil, la lune relève du Yin, le Soleil du Yang. En effet, par rapport au Soleil, elle ne chauffe pas et est peu lumineuse, etc. Ainsi à partir du solstice d’hiver les journées vont se rallonger, le Yang va prendre le dessus sur le Yin. C’est donc une période de renouveau et l’on peut comprendre que facilement on veuille y associer un début d’année. Or, comme nous l’avons vu dans le calendrier Tai chu, le solstice d’hiver a toujours lieu au 11ème mois. Il manque donc encore un mois pour que l’année se clôture. Chaque mois débutant avec la nouvelle lune, le nouvel an se situe toujours à la nouvelle lune suivant le 12ème mois de l’année. Fin 2023 la nouvelle lune qui précédait le solstice d’hiver était le 13 décembre, début du 11ème mois. Le 12ème mois, lui, a commencé à la nouvelle lune suivante, c’est-à-dire le 11 janvier 2024. Le nouvel an advient donc au début du nouveau cycle de la lune, le 10 février 2024. Ainsi le nouvel an chinois suit les cycles de la lune. Il se situe toujours entre le 21 janvier et le 20 février.
Nouvel an chinois, printemps et fête du printemps.
Aujourd’hui, les Chinois ont pris l’habitude de célébrer le retour du Printemps avec la nouvelle année. Mais cette concomitance des fêtes est récente et date du début du xx siècle. En effet, la distribution des saisons est définie à l’origine dans la culture chinoise par un autre calendrier. Un calendrier agricole qui lui est solaire. Celui-ci découpe l’année en 12 mois, divisés eux-mêmes en 2 périodes. On recense, ainsi, en tout 24 périodes de 15 jours. Ces périodes fondées sur des siècles d’observation organisent le travail agricole. Ainsi le printemps commence le 4 février, à mi-distance entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps. Le nom de cette première période de 15 jours est d’ailleurs ” Lichun”, le “début du printemps”. S’ensuit une deuxième période “Yushui”, du 19 février au 4 mars. C’est la période “pluie”. On le voit bien, le nouvel an et le printemps sont au départ bien distincts. La fête du printemps est à l’origine une fête agricole. On y présentait des offrandes dans l’espoir de bonnes récoltes.
Printemps chinois et Hiver
Ainsi le printemps chinois débute en février. C’est là une illustration des spécificités de la culture chinoise et une confirmation de l’origine agricole de ce calendrier. Chez nous, le printemps est associé à l’équinoxe. Ce moment où jour et nuit durent aussi longtemps. À compter de ce moment, les jours durent plus que la nuit, le soleil domine. Le printemps est manifeste. C’est là toute la différence avec la culture chinoise. Celle-ci ne s’attache pas seulement au visible, aux bourgeons qui percent. Elle décèle ce qui dessine silencieusement. L’hiver, la nature est endormie. Le printemps commence, lui, dès que la sève souterrainement commence à remonter. Bien avant ses manifestations patentes, les Chinois célèbrent ce renouveau en cours.
Nouvel an chinois et année du Dragon de Bois
Quant au couplage de l’année avec le Dragon de Bois, c’est encore un autre calendrier qui le détermine. Ici, c’est un cycle sexagésimal (60 ans) qui fixe le signe et l’élément de l’année. Ce système est construit en fonction des cycles de la lune, du soleil et des 5 planètes visibles à l’œil nu. Ces 7 repères mettent en effet 60 ans pour retrouver une même position céleste les uns par rapport aux autres. Pour les Chinois, 60 ans c’est donc un cycle complet dans la nature. Afin d’accompagner les différentes phases de ce cycle complet, ils ont créé un calendrier sur 60 ans. Ce dernier combine deux outils, les 10 troncs célestes et les 12 branches terrestres.
Les 10 troncs célestes
Les 10 troncs célestes représentent pour les Chinois les 10 énergies du Ciel. Elles se succèdent dans une alternance Yang/Yin. Elles animent les transformations des saisons. Sur la base de cette alternance, les troncs célestes sont associés aux 5 éléments. Ceux-ci permettent de modéliser des dynamiques et des interactions. Ce sont le Bois, le Feu, la Terre, le Métal et l’Eau. Concrètement, le premier tronc est un Bois Yang, le deuxième un Bois Yin. Conformément à l’ordre de succession des 5 éléments, le tronc 3 est Feu Yang, le 4 Feu Yin, etc.
Les 12 branches terrestres
Pour construire ce cycle sexagésimal, les 10 troncs vont être combinés avec le système des branches terrestres. À l’origine, les 12 branches terrestres correspondent aux 12 mois lunaires de l’année. Sous l’influence de l’astrologie persane, on va associer à ces branches un animal : rat, bœuf, tigre, lièvre, dragon, serpent, cheval, chèvre, singe, coq, chien, cochon. Par la suite et par extension, on va coupler une branche (un animal) à une année. Sur douze ans, on aura fait le tour du zodiaque. En parallèle, on déploie les troncs célestes. Pour rappel un élément est lié à deux troncs. Ce qui fait qu’au début d’un cycle sexagésimal, on a une année Rat associée avec l’élément Bois (Yang). L’année qui suit est une année Bœuf combinée avec l’élément Bois (Yin). Comme il n’y a pas le même nombre de troncs et de branches, il faut 60 ans pour retrouver un Rat de Bois. Cette année 2024 est une année de Dragon de Bois. Seuls ceux qui sont nés il y a 60 ans sont des “Dragons de Bois”. Autrement dit, la combinaison troncs/branches définit des configurations énergétiques très spécifiques.
Nouvel an chinois, année du Dragon de Bois, signification
Dans le bestiaire chinois, le Dragon a une place à part. C’est le seul animal mythologique et il est viscéralement ancré dans la culture chinoise. Il représente à lui seul les forces de la nature. C’est un symbole de l’Empereur et par là même de la Chine. Dans la tradition chinoise, c’est un animal composite empruntant les traits à 9 animaux. Ce chiffre est significatif. 9 (jiǔ) se prononce en chinois comme le mot éternité. Il constitue en outre le plus haut chiffre. Le dragon est donc au sommet. Plus encore dans la mythologie chinoise, le dragon suit des stades de métamorphose sur plus de 3000 ans. Il représente donc à la fois la permanence et la transformation. Enfin on dit qu’il porte sous son menton une perle gage de bonheur, de sagesse et de connaissance. On comprend donc aisément que le dragon est le signe préféré des Chinois. Les années Dragon sont des années favorables. Le Bois étant associé au mouvement d’expansion, les années Dragon de Bois sont propices à l’audace. La tradition veut que l’on saisisse ainsi les opportunités qui se présentent. C’est une période de renouveau et de déploiement. Bonne année !